FAMINE DANS “LA MAISON DU PAIN”


FAMINE DANS LA MAISON DU PAIN 

Le Paradoxe de la Providence


Lundi 09 juin 2025

Semaine 11 : Ruth et Esther

Thème général : Allusions, images et symboles : Méthodes d’étude de la prophétie biblique.


Texte à méditer : Jésus leur dit : Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif   (Jean 6:35).


1. LE SCANDALE DE LA SOUFFRANCE : DIEU SILENCIEUX OU FIDÈLE ?

Les critiques modernes de la foi invoquent volontiers le mal pour nier Dieu : s’Il existait, disent-ils, Il serait impuissant, indifférent ou cruel. Pourtant, l’histoire de Ruth défie ces simplismes. Elle n’édulcore rien : famine, exil, deuil, désespoir. Mais elle révèle en creux une Providence obstinée, discrète, mais agissante.


« Il y eut une famine au temps où gouvernaient les Juges » (Ruth 1:1). Ce n’est pas un détail anecdotique, mais un repère prophétique. Le livre des Juges se conclut par ce constat accablant : « chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Juges 21:25). Israël s’était détourné de l’alliance. Et selon Deutéronome 11:13–17, la sécheresse et la disette accompagnaient l’infidélité nationale.


Certaines traditions juives (comme le Midrash Ruth Rabba) voient en Élimélek un leader qui trahit sa vocation en fuyant Bethléhem. Son nom, « Mon Dieu est roi », rend son départ vers Moab d’autant plus ironique. Plutôt que d’intercéder ou de demeurer fidèle dans l’épreuve, il cherche refuge en terre étrangère. La tradition juive y voit une trahison ; les chrétiens, un contraste tragique avec la fidélité de Ruth.


Et c’est en Moab, loin de l’héritage de l’alliance, qu’Élimélek meurt - prémices d’un exil stérile et douloureux. Ses deux fils épousent des femmes moabites (malgré l’interdit liturgique de Deutéronome 23:3–6). Puis ils meurent, sans laisser de descendance.


Face à ces pertes, Noémi ne comprend pas. Elle accuse Dieu : « La main de l’Éternel est contre moi » (Ruth 1:13), « Le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume » (Ruth 1:20–21). Son cri est celui d’une foi blessée. Mais ce cri n’annule pas la fidélité divine. Il en devient même le prélude.


La leçon est claire : Dieu permet à l’humanité de récolter les conséquences du péché, mais ce jugement n’est jamais l’ultime mot. La souffrance, même incomprise, n’est pas un silence vide : elle est souvent le seuil d’une rédemption invisible.


2. BETHLÉHEM SANS PAIN : le paradoxe de la chute et de la rédemption

Le choc des symboles : Une famine frappe Bethléhem, la « maison du pain. » Ce nom, qui évoque l'abondance messianique (Michée 5:1), devient le théâtre d'une disette cruelle. Ce paradoxe n’est pas un simple effet littéraire, mais une théologie incarnée : il rejoue le drame d'Éden où l'abondance originelle (« tu mangeras librement » Genèse 2:16), se mue en malédiction (« tu mangeras à la sueur de ton front » Genèse 3:19). Le sol de Bethléhem, comme celui d’Éden après la chute, refuse son fruit à ceux qui ont trahi l’alliance.


La typologie prophétique : Pourtant, cette famine prépare un mystère - ce même Bethléhem deviendra le berceau du « pain vivant descendu du ciel » (Jean 6:51). Le vide devient le lieu de la plénitude. Ce lieu déserté par Élimélek deviendra celui où naîtra le Rédempteur (Luc 2:4–7), accomplissant la promesse d’un pain vivant offert au monde. Cette ironie divine dépasse l’opposition littéraire : elle révèle le schéma rédempteur de Dieu, qui fait jaillir la vie précisément là où la mort semble avoir tout ravi (Romains 4:17).


La tentation de Moab : Élimélek (« Mon Dieu est roi ») incarne le paradoxe humain : son nom proclame la souveraineté divine, mais ses pieds fuient vers Moab. Ce choix, humainement compréhensible, devient trahison théologique : Il reproduit l’erreur d’Abraham en Égypte (Genèse 12:10) ; Il anticipe l’infidélité d’Israël cherchant des alliances païennes (Osée 7:11) ; Il préfigure toutes les fuites contemporaines hors de l’Église, nouvelle « maison du pain. »


L’avertissement prophétique - L’Église aujourd’hui connaît sa propre famine : Ses fours sont froids (plus de feu sacré) ; Ses étagères sont poussiéreuses (doctrines desséchées) ; Son pain est rassis (rites sans vie). Et pourtant, comme pour Noémi, la solution n’est pas Moab - ces spiritualités syncrétiques, ces idéologies séculières séduisantes mais stériles, - mais le retour à Bethléhem : lieu de la visitation divine, même désertée, même silencieuse. L’histoire de Ruth rappelle que Dieu prépare des Boaz - des rédempteurs - précisément là où Son peuple semble abandonné.


Quand votre âme crie famine, où cherchez-vous votre pain - dans les greniers vides de Moab, ou dans l’attente obstinée du vrai Pain à Bethléhem ? Dans la fidélité, même desséchée, ou dans la fuite vers une abondance trompeuse ? Quand la disette frappe votre « Bethléhem » spirituelle, choisissez-vous de rester et d’attendre la manne du ciel, ou fuyez-vous vers un Moab séduisant mais sans Dieu ?


3. NAOMI ET L’HUMANITÉ : D’UNE VOCATION PERDUE À UNE CONDITION BRISÉE

Naomi symbolise l’humanité déchue : exilée, veuve, stérile. Elle crie : « Ne m’appelez plus Naomi [agréable], mais Mara [amère] » (Rt 1:20). Elle quitte l’alliance, perd mari et fils, et revient brisée. Elle porte en elle l’amertume d’Adam exilé. Nous étions appelés à « soumettre la terre » (Gen 1:28), mais la rébellion nous a soumis à une terre devenue ennemie. La vocation de gardien est remplacée par la lutte pour la survie. La souffrance devient notre lot, non comme punition arbitraire, mais comme fruit d’une rupture fondamentale.


Mais cette femme, à bout de force, n’est pas abandonnée. Elle reviendra. Et par sa belle-fille étrangère, un rachat inattendu surgira. Il serait erroné de croire qu’il n’y avait qu’elles. Dieu a toujours un reste. Même dans l’apostasie généralisée, même lorsque les structures religieuses chancellent, Il préserve des fidèles. Le récit de Ruth n’écrase pas l’individu sous une vision systémique du mal, il le révèle comme acteur possible d’une restauration discrète mais décisive.


4. UNE TERRE BLESSÉE, MAIS ENCORE FÉCONDE : SIGNES DE LA PROVIDENCE

Même marquée par six mille ans de péché, la terre parle. La graine germe encore. Les saisons se succèdent. Les rivières irriguent. La main de Dieu n’a pas cessé de nourrir l’humanité, malgré l’irruption du mal sur la terre. Ce n’est pas la rareté des ressources qui affame la terre, mais leur accaparement par les hommes.


Paul l’écrit : « La création tout entière soupire » (Romains 8:22). Mais ce gémissement n’est pas vain. Il annonce une délivrance. Même la famine a une voix prophétique. Dans Apocalypse 6, la disette accompagne l’ouverture des sceaux. Elle révèle un monde en crise, mûr pour le jugement… mais aussi pour la moisson finale.


Et quel Dieu continuons-nous à servir ! Un Dieu qui fait pousser le blé dans une terre maudite. Un Dieu qui avertit : « Je détruirai ceux qui détruisent la terre » (Apoc 11:18), mais qui appelle encore le rebelles à la repentance.


CONCLUSION : la disette comme appel à la fidélité

Le livre de Ruth ne nous propose pas une théodicée lisse. Il ose poser les questions que beaucoup taisent : pourquoi Dieu semble-t-il absent ? Pourquoi la maison du pain est-elle vide ? Mais il y répond sans détour : Dieu est à l’œuvre, même au creux du manque. Il ne bénit pas toujours nos stratégies de fuite. Il attend notre retour. Bethléhem redeviendra fertile, car Dieu ne renie jamais Son dessein. Et c’est là, dans cette même ville de famine, qu’Il fera naître Celui qui rassasiera le monde. Alors, si la maison du pain semble vide, ne fuyons pas. Persévérons. Car à l’heure où la fournaise semblera éteinte, le feu de l’Esprit pourrait bien s’y rallumer.


Puisse cette journée rayonner de la présence de l’Éternel à vos côtés !

 

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