DE LA MONTAGNE SAINTE À LA DEMEURE DE L’AGNEAU


DE LA MONTAGNE SAINTE 

À LA DEMEURE DE L’AGNEAU 


Mardi 20 mai 2025

Semaine 8 : Dans les Psaumes : 1ère partie

Thème général : Allusions, images et symboles : Méthodes d’étude de la prophétie biblique.


Texte à méditer : Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion [...] et de l’Agneau (Hébreux 12:22-24).


I. SION : SYMBOLE BIBLIQUE DE LA PRÉSENCE DIVINE

Sion, modeste éminence jébusienne (2 S 5:7), devient par un lent processus d’amplification théologique le cœur symbolique de la présence divine. Bien que le Temple ait été érigé sur le mont Morija (2 Ch 3:1), la tradition scripturaire fusionne progressivement ces hauteurs en une seule réalité spirituelle. Le nom de Sion — mentionné 153 fois dans l’Ancien Testament — finit par désigner Jérusalem, le sanctuaire, et même la cité céleste.


Le texte prophétique articule six dimensions majeures de Sion : le lieu où Dieu habite (2 Sam. 6:12 ; Ps. 132:13-14) ; le peuple de Dieu ou la communauté spirituelle (cf. És. 51:16) ; Israël spirituel ou l’Église (cf. Héb. 12:22 ; Phi. 3:20) ; le royaume de Dieu (Héb. 12:28) ; le lieu du salut et de la rédemption (És. 59:20 ; Rom. 11:26) ; la cité glorieuse à venir de Dieu (Apo. 14:1).


Sion, sommet de l’adoration. Le Psaume 24 commence par une proclamation cosmique : « À l’Éternel la terre et ce qu’elle renferme… car Il l’a fondée sur les mers » (v.1-2). Ce fondement de la souveraineté divine précède immédiatement l’appel : « Qui montera à la montagne de l’Éternel ? » (v.3). Sion devient dès lors le lieu de l’élévation spirituelle, là où la création rencontre son Créateur, là où Dieu appelle l’homme à l’adorer dans la sainteté. Sion, en ce sens, ne désigne plus seulement un lieu, mais la réalité spirituelle du peuple de Dieu uni à son Roi.


Une montagne en mission. La portée de Sion ne s’arrête pas à la contemplation. Le prophète Ésaïe annonce : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles… de celui qui dit à Sion : Ton Dieu règne ! » (És 52:7).
Sion devient ici point de départ, non plus seulement destination. Elle est le centre d’où rayonne la proclamation du règne, où les pieds fatigués des messagers sont rendus « beaux » par leur mission. Le lieu de la présence devient lieu de l’envoi.


Si Sion est le sommet de la présence divine et le cœur de l’appel prophétique, qui donc peut y monter, et y demeurer ? (Ps 15:1). La réponse ne va pas de soi.


II. L'EXIGENCE DIVINE – QUI PEUT HABITER SUR SION ?

La question posée par David dans les Psaumes 15 et 24 est aussi solennelle qu’intransigeante : « Éternel, qui séjournera dans ta tente ? Qui habitera sur ta montagne sainte ? » (Ps 15:1). Il ne s’agit pas ici d’un simple accès spatial ou cultuel, mais d’un appel à vivre en permanence dans la proximité du Dieu trois fois saint, au sein même de Sa demeure. La réponse donnée est à la mesure de la sainteté divine : intégrité irréprochable, vérité intérieure, refus de la calomnie, fidélité au serment donné, justice sans compromis. L’homme qualifié pour habiter sur Sion est désigné par le mot hébreu tamiml’homme « complet », intègre, dont la vie intérieure et les actes sont en harmonie, sans duplicité. À cela s’ajoute, dans le Psaume 24, la nécessité d’avoir « les mains innocentes et le cœur pur », exigences qui rappellent les rites de purification imposés aux Israélites avant toute rencontre avec Dieu (Ex 19:10-15).


Or, dans cette description, se révèle un paradoxe insoutenable. La sainteté exigée est bien réelle, mais elle ne correspond à la condition de personne. Même David, auteur de ces lignes, n’a pas échappé à la chute (2 S 11). La parole de Jean, dans sa première épître, vient poser le constat sans appel : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous » (1 Jn 1:8). Ainsi, trois tensions fondamentales apparaissent. Premièrement, il y a l’écart abyssal entre l’idéal proclamé et la réalité vécue : les Psaumes décrivent une sainteté qui « ne chancelle jamais » (Ps 15:5), mais l’histoire humaine, et biblique, est celle de la chute. Deuxièmement, une tension surgit entre l’éthique fondée sur les œuvres et la grâce offerte en Christ : l’un parle des conditions pour monter, l’autre révèle une rédemption déjà acquise. Enfin, il y a l’écart entre l’éthique communautaire exigée — droiture dans les relations humaines — et la conscience individuelle du péché universel, que nul ne peut éluder.


III. L’AGNEAU SUR SION – LA MÉDIATION PARFAITE

Les exigences de sainteté énoncées par David (Psaumes 15 ; 24) semblent inaccessibles à l’homme pécheur. Pourtant, la vision de Jean (Apo. 14) révèle une foule debout sur Sion aux côtés de l’Agneau. Cette tension entre la perfection requise et la grâce offerte trouve sa résolution en Christ, qui ouvre par son sang l’accès à la Sion céleste (Hé 12:22) : quelqu’un doit accomplir cette perfection à notre place, sinon l’accès à Sion nous est fermé à jamais.


Et c’est précisément ce qui est dévoilé dans Apocalypse 14:5 : « Dans leur bouche, il n’a pas été trouvé de mensonge ; ils sont irréprochables. » Cette déclaration - aussi radicale que celles des Psaumes - ne décrit pas une performance humaine, mais une réalité eschatologique et christocentrée : ces rachetés sont vus aux côtés de l’Agneau, dans une justice qui leur a été attribuée. Leur irréprochabilité est le fruit de l’union à Celui qui se tient sur la montagne.


La vision d’Apocalypse 14 ne laisse place à aucun doute : l’Agneau se tient sur la montagne de Sion, et avec Lui ceux qui ont reçu le nom de Dieu sur leurs fronts. Leur caractère est défini par une sainteté parfaite — ils sont irréprochables, sans mensonge, intègres jusque dans leur parole. Mais cette perfection n’est pas leur œuvre : elle est le fruit d’une médiation, celle de l’Agneau.


Là où les Psaumes posaient la question de l’accès au lieu saint, l’Apocalypse montre la réponse accomplie : les rachetés ne montent pas seuls sur la montagne - ils y sont en Christ. L’Agneau ne les accompagne pas : Il les précède, Il les qualifie, Il les représente. C’est ce que proclame la lettre aux Hébreux : « Nous avons, au moyen du sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire, par la route nouvelle et vivante qu’Il a inaugurée pour nous à travers le voile » (Hé 10:19–20). Le voile est déchiré, la route est ouverte, mais elle passe par la chair crucifiée du Médiateur. Sur Sion, l’Agneau est à la fois le Sacrifice, le Souverain Sacrificateur et le Berger. Il est la condition de notre présence, la justice de notre justification, la voie de notre ascension.


IV. VIVRE PAR LA GRÂCE – LA SAINTETÉ DE L’AGNEAU POUR NOUS

Le croyant est placé devant un double constat : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes » (1 Jn 1:8). Pourtant, les rachetés sont décrits comme irréprochables : « Il n’a pas été trouvé de mensonge dans leur bouche ; ils sont sans tache » (Ap 14:5). Ce paradoxe n’est pas une contradiction : positionnellement, le pécheur justifié est déclaré saint en Christ ; existentiellement, il demeure en lutte, confessant ses fautes et dépendant de la grâce (1 Jn 1:9).


Cette sainteté ne se conquiert pas : elle s’accueille. « Nous avons, par le sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire » (Hé 10:19). Le croyant accède à la montagne de Sion non par ses œuvres, mais par une voie nouvelle et vivante, ouverte dans la chair même du Christ (Hé 10:20). Il ne marche pas seul : « Ils suivent l’Agneau partout où Il va » (Ap 14:4). Cette marche n’est pas héroïque, elle est humble ; elle s’exprime moins par la perfection que par la confession, moins par l’auto-justification que par la dépendance active.


Ainsi, la sainteté pratique découle d’un mouvement intérieur : reconnaître son incapacité, s’abandonner à la médiation de l’Agneau, et le suivre dans une fidélité qui n’est pas d’abord morale, mais relationnelle. La confession devient le lieu de la purification (1 Jn 1:9), l’écoute remplace l’orgueil, et l’obéissance devient imitation : « Ils suivent l’Agneau. » Ce n’est donc pas notre justice, mais celle de l’Agneau qui nous donne place sur Sion.


Si notre sainteté dépend entièrement de Christ, comment cela transforme-t-il notre lutte contre le péché ?


Abondantes grâces de la part de l’Éternel !

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